Nous sommes arrivés un peu par hasard au Golfe de la Lava. Le nom sonnait sympa, un peu mystérieux, un peu épique, on s’imaginait arriver dans un ancien cratère de volcan… On ne sait toujours pas d’où vient son nom, mais ce golfe à défaut d’être un cratère est un endroit paisible et ensoleillé. Un petit coin de Californie !

C’est garni de maisons de vacances qui sont inhabitées en ce mois de mai, du coup l’endroit n’est peuplé que par les pêcheurs du coin, quelques touristes en goguettes et une poignée de locaux qui vivent ici à l’année. Nous sommes à quelques kilomètres d’Ajaccio et pourtant on se croirait ailleurs. De petites maison en bois faites de bric et de broc font face à la mer tout au bout de la plage. Des prairies descendent sur les collines pour s’approcher du sable. On se sent bien ici, libres, heureux. Ça me donne envie de chanter Califonia Dreamin’.

On se balade sur la colline pour admirer le point de vue en haut de la petite tour Génoise qui domine l’entrée de la crique. En redescendant, on tombe sur un pêcheur du coin qui doit avoir une soixantaine d’années mais porte de lourds sceaux rempli de filets. Il est bien portant, musclé et bruni par le soleil. Il lui manque une dent, ce qui ne l’empêche pas d’être jovial et de faire de grands sourires. On lui donne un coup de main et entamons la discussion sur l’histoire du lieu.

“Ici ça appartient à la commune de Pieto” dit-il avec un accent corse qui ralentit sur toutes les syllabes. “A cause des invasions il y a très longtemps, les villageois se sont retirés dans les montagnes. Il y avait trop de pillages, d’enlèvements, ils ont préféré s’installer plus haut. Maintenant, c’est pleins de maisons de vacances. Les propriétaires voulaient rendre la plage privée ! La commune leur a interdit.” Et bien heureusement oui ! Il m’explique qu’en cette période la pêche n’est pas terrible. “Il y a une sorte de boue dans l’eau en permanence, ça se dépose sur les filets. Alors les poissons voient le filet et s’en vont.” Puis il continue…

“Ici, on a même découvert un trésor…” Je tends l’oreille. Un trésor dans cette crique ? “Oui, des pêcheurs d’oursins là bas” me dit-il en tendant le doigt vers le sud du golfe ” ils ont trouvé des pièces d’or. C’était 3 frères. Mais ils ont eu pleins d’embrouilles après” me glisse t-il avec son grand sourire édenté.

Me vienne en tête les histoires de pirates, de galions coulés, de trésor enfouit, ça me fait rêver ! Je suis complètement excitée à l’idée qu’il puisse encore y avoir des pièces d’or quelque part sous cette eau turquoise. On décide de mouiller le lendemain de ce côté de la baie. L’endroit est complètement sauvage, silencieux. Seules quelques villas cachées dans le maquis en hauteur laissent penser que la civilisation est arrivée jusqu’ici. On voit bien que ces maisons sont habitées mais on ne voit pas grand monde. Flotte une odeur de mystère, de non-dit… Il y a des vieux poteaux électriques dans la colline, mais leurs fils ont été coupés. Des déchets plastiques rejetés par la mer jonchent le sable, emmêlés à des morceaux de bois et des algues. On se balade sur la petite route caillouteuse qui longe les maisons, l’une d’entre elle, discrète, porte le sigle FLNC peint sur son portail…

Une petite cabane faite de planches et de canisse borde une plage étroite. Elle est abandonnée, grignotée par la végétation. Des figuiers sauvages poussent de manière désordonnés le long de la plage dans une végétation dense. Le sable est blanc, brillant. L’eau transparente. La mer fait un doux bruit de petits cailloux qui roulent.

Je vais sur Internet pour trouver une trace de cette histoire de trésor. J’apprends en effet qu’en 1985, sur ce petit bout de plage à 1 ou 2 mètres de profondeur, 3 frères ont remonté 3 pièces d’or couvertes de concrétions. Ils ont plongé alors tous les jours pendant plusieurs mois pour remonter un total de 600 pièces romaines datant du IIIème siècle de notre ère, quelques objets en or ainsi qu’un plateau rare qui pourrait être un plat à sacrifice incrusté d’une médaille…. Je vous invite à lire l’article de Trésor du Patrimoine qui raconte l’épopée des 3 frères qui ont perdu les pédales avec cet argent facile et la chasse qu’a entreprit l’Etat pour retrouver le trésor éparpillé. Car tout ce qui est trouvé sur le domaine maritime appartient à l’Etat !

Aucune épave n’a pourtant été retrouvé à cet endroit. Une hypothèse a été émise, d’après une légende qui se raconte de génération en génération dans le petit village de Villanova au dessus : ce serait des ouvriers qui auraient trouvé ce trésor dans les vestiges d’une villa romaine d’un proche vallon et l’auraient cachés près de la mer. Un éboulement de terrain au XIXème siècle auraient enfoui le trésor dans l’eau. Le mystère reste entier. Ce qui rend l’atmosphère de cette petite plage impénétrable…