Il y a tout juste 1 an, on partait vers l’inconnu depuis le Panama : traverser l’un des plus grands océans du monde, le Pacifique. Destination les Marquises, ces terres isolées et mythiques pour les marins. A bord, le capitaine, Adrien, et moi, son second, Laszlo qui a 1 an et 4 mois ainsi que nos deux supers équipiers Valentine et Aymeric qui ne connaissent rien à la voile, mais avec qui on s’entend très bien !

Je n’avais jamais pris le temps de rédiger un article sur cette traversée, voici donc les emails satellites que nous avions envoyés à nos familles durant ces 30 jours de navigation.

(J+4 après le départ le 26 mars )

Bonjour à tous ! 

Nous sommes sur l’océan pacifique depuis lundi, et à vrai dire il semble vraiment pacifique. Nous n’avons presque pas de houle depuis le départ, et une bonne veine de courant favorable qui nous pousse vers le sud. Là nous sommes dans le fameux pot au noir, cette zone près de l’équateur où il n’y a plus de vent. Nous avons allumé le moteur cette nuit et aujourd’hui pour franchir cette zone et retrouver le vent. L’océan est plat comme un lac, ce qui nous a tentés pour une baignade courte mais rafraîchissante. L’eau ici n’est pas chaude comme du côté caraïbe ! Elle est fraîche ! Ce qui fait du bien vu la chaleur. 

Laszlo était difficile les premiers jours, maintenant ça va mieux. Nous l’occupons presque tout au long de la journée à tour de rôle. 

Pour le moment nous n’avons croisé dauphins et baleines qu’aux Perlas. Nous scrutons la mer en quête de baleines, mais nous ne voyons que des oiseaux. 

À bord l’ambiance est belle, on mange bien ( nous avons encore des fruits et légumes ! ), on écoute des podcasts ou de la musique. On se fait une séance de « sport » par jour en faisant des abdos à l’avant….enfin on l’a fait juste une fois pour le moment. Adri et Valentine font un pain tous les deux jours. Bref, le temps coule doucement et joyeusement dans des conditions de navigation idéales car le bateau bouge peu. Bientôt nous aurons le vent et les vagues de face, ce sera moins agréable car le bateau gîtera petite. Mais la météo annonce un petit vent, nous espérons que la houle sera petite. 

Notre position à 15h50 UTC : 02°37’123N et 081°13’618O 

On vous embrasse ! 

( J + 6 après le départ )

Bonjour à tous! 

Nous avons passé l’équateur hier à 17h utc. Pour fêter ça, nous avons célébré Neptune comme la tradition le veut. On a tous bu une gorgée d’eau de mer, et nous avons écrit chacun un mot au Dieu de la mer, pour qu’il soit clément avec nous , accompagné de dessins plus ou moins bien réussit de Gaïa sur l’eau avec des dauphins 🙂  

L’ambiance à bord est toujours bonne, les équipiers pas malades. On finit petit à petit nos réserves de frais, d’ici deux jours nous n’aurons plus de légumes si ce n’est des citrons verts, 3 citrouilles, de l’ail, des oignons et des patates. 

Nous sommes proches des Galápagos, nous allons les contourner par le sud puis pointer sud ouest vers les marquises. Les conditions météo sont calmes, une faible houle, 6 à 10 noeuds au près mais confortable car peu de gîte. Notre position à 19h utc 01°33.407 Sud et 085°49.279 ouest. Cap 210° jusqu’à atteindre 3° de latitude. 

Pas attrapé de poissons depuis 4 jours. Pas vu de dauphins ou baleines. Avons vu un boobies aux pieds rouges, un oiseau au bec bleu clair et pieds palmés rouges qui vit aux Galápagos !

Laszlo en bonne condition, a trouvé son rythme. Il dit coco pour avoir de la noix de coco, il adore jouer à cache cache mais se cache très mal et toujours au même endroit, il a les dents qui poussent, peut-être un vrai sourire de dents à l’arrivée ! 

(J+ 9 après le départ )

Bonjour à tous! 

Nous sommes depuis 2 jours dans une zone un peu chahutée par les grains réguliers, nuages bas et gris qui crachent une pluie intense mais de courte durée. Par chance Gaïa zigzague entre, mais parfois ne peut les éviter. Alors on dispose une grande bâche sur l’un des côtés du bateau pour récupérer un peu d’eau douce, petit luxe pour les prochaines douches de l’équipage:) 

La mer est désordonnée, la navigation moins agréable qu’aux premiers jours car nous chassons d’un côté ou de l’autre, ce qui nous vaut quelques gamelles et verres renversés. Et surtout tous les draps et coussins sont humides voire carrément mouillés car l’air est très humide! Quand on se glisse dedans le soir, il faut faire preuve d’un peu d’abnégation…

Mais grâce à ces pluies, ce ciel gris et cette mer plus sombre nous avons enfin pêché hier! Deux daurades coryphènes, elles n’ont pas bien vu que les petits poissons que l’on traîne derrière étaient des leurres… Après l’atelier poissonnerie, Neptune nous a régalés d’un spectacle de dauphins et globicéphales qui sont venus jouer autour du bateau quelques minutes. On peut dire que c’était une journée « bien remplie » 🙂 

Laszlo apprend à jouer de l’harmonica avec son papa, il souffle et aspire sans s’arrêter produisant toujours les mêmes notes, et surtout beaucoup de bave. Mais il est très content de son talent. Il fait aussi le singe : on le met sur le poteau central du salon, il s’y agrippe en l’entourant de ses bras et jambes sous nos cris de macaques. Il rit de ses dents du bonheur, les oreilles en trompettes et ses frisettes blondes tombant sur le front, tout son petit corps musclé tendu pour tenir le plus longtemps possible. Un vrai ouistiti ! 

Nous faisons cap au sud pour trouver ces fameux alizés que nous attendons comme le messie. Sous les alizés la navigation est douce, les vagues régulières et dans le dos. D’ici demain on devrait y être. Aujourd’hui notre position à 17h40 : 6°45 S et 89°28 O, cap 215°.

À bord toujours bonne ambiance, un peu plus mollassonne car le bateau bouge pas mal, mais le moral est bon. 

(J+ 13 après le départ )

Bonjour à tous !

La pluie nous a suivit 12h durant, laissant nos affaires étendues sur les filières perpétuellement mouillées. Nous avons vécu tous hublots fermés, sans air et dans une chaleur moite. Bon, on en a profité pour faire des crêpes au goûter 🙂  Dehors on ne peut pas tenir car le tau, notre toit de toile qui protège le cockpit du soleil, fuit de toute part. Adrien et Aymeric en on alors profité pour remplir tous les seaux et bidons disponibles, 50 litres qui nous serviront pour les douches, la cuisine et boire. Enfin, on arrêté de la boire quand on a vu qu’elle n’était pas si claire… Puis nous avons fini par prendre des douches dehors directement sous les fuites du toit ! L’eau de la mer et chaude comparée à cette eau qui vient du ciel, on dirait de l’eau de rivière. On se dit que nos affaires mouillées seront au moins dessalées! C’est notre seule consolation car les vagues restent toujours de travers, faisant chasser le bateau sans répit ni régularité. On doit s’arnacher pour cuisiner car on ne tient pas debout.  

La nuit nous avons pris un deuxième ris dans la grande voile car le vent soufflait à 25-28 nœuds. Instructions hurlées par le capitaine aux équipiers car le bruit des vagues, du vent et de la pluie qui nous gifle étouffent les voix. Visibilité réduite au champs de la frontale. Le cœur qui bat. Les vagues nous secouent de plus belles. Allez, il faut être efficace! Merde, on empanne. Aucun repère dans cette nuit noire. Le capitaine hurle, on finit la manœuvre trempés. Mais quand est ce que le ciel va s’arrêter de pisser? Ils sont où les alizés et la douce vie des débuts? Le sommeil est vampirisé par les bruits du bateau, les craquements, les vagues qui penchent l’embarcation. Nos corps qui roulent dans les cabines peinent à trouver une position confortable. 

Depuis hier la pluie a cessée, quelques carrés de ciel bleu transpercent même les masses nuageuses, mais les vagues n’ont pas diminuées. Certaines sont mêmes retords! De toute sa force l’une d’elles a tapé le côté du bateau finissant sa course en gros paquets d’eau dans le carré. Nous qui profitions de ce répit pour aérer le bateau, nous voilà avec le sol et les coussins du salon trempés… Et nos habits qui séchaient sont à nouveaux salés. Les hublots sont fermés côté vent, on a bien compris que la mer joue à l’Elephant Bleu. 

Notre récompense à cet inconfort c’est que nous filons à 7-8 nœuds, très belle moyenne qui nous fait rêver l’arrivée aux Marquises plus rapide.  

Autour de nous la mer est sombre, déformée de toute sa masse par des vallées, des collines et quelques montagnes mouvantes, écumantes, s’effondrant d’un côté, se reformant ailleurs. Au sommet des plus hautes, l’eau est bleu clair, presque translucide, une vision hypnotique avant de sentir la fraîcheur de l’eau ruisseler en pluie sur la peau. 

Ce n’est pas tant qu’elles soient hautes, les plus grandes doivent faire 3.5m, c’est qu’elles sont chargées d’une énergie qui a traversé la moitié du globe et qu’elles s’organisent selon des lois qui nous échappent. 

À bord le moral est de retour car nous pouvons au moins nous allonger dans le cockpit pour prendre l’air. Nous ne sommes pas très actifs en raisons de la houle mais pas défaits 🙂 Ce matin nous avons retrouvé un poisson volant de belle taille dans le salon. Ce sera le repas de Laszlo ce midi. 

Nous suivons quotidiennement les avancées de nos copains Karemo, Saileat ( 3 jeunes qui font un tour du monde gastronomique) et Esplorito ( une famille de canadiens ).  Nous sommes partis de panama à quelques jours de différence. On se donne des nouvelles par mail satellite, chacun ayant opté pour une stratégie de route différente espérant gagner la course. Karemo a prit la tête du peloton, rattrapant Saileat. Esplorito plus au nord a perdu quelques jours dans la pétole du pot au noir. Gaïa est derrière tout le monde…mais peut être va rattraper Saileat qui ne peut plus utiliser son Genaker. Ça nous amuse de déplacer les petits bateaux des copains sur l’écran de notre traceur gps en fonction de leur position. C’est comme un jeu de l’oie ! Du coup, grâce à ceux qui sont devant nous savons que le soleil va revenir. Espoir. Et gros barbecue prévu à l’arrivée avec nos compères  ! Notre position actuelle à 15h30 utc 09°12 S et 98°13 O. Cap 257°. 

Laszlo n’est pas le moins du monde affecté par la houle. Ça été l’occasion pour notre équipier de lui apprendre a dire « badamoum » ainsi qu’à tomber volontairement, histoire d’être moins vexé. Il s’en amuse beaucoup! Il apprend petit à petit des mots. En ce moment c’est Chat, qu’il prononce en zozotant un peu. Ou encore Dodo, Boire, Encore et Caché. Il fait « hmmm » quand il aime ce qu’il mange tout en se caressant le ventre et en éclatant de rire. Il s’amuse seul de plus en plus, nous laissant un peu plus de répit ( merci aussi à Babar pour ses dessins animés ). 

On vous embrasse fort! 

(J+22 après le départ )

Bonjour à tous ! 

Nous ne sommes plus qu’à 743 milles de Fatu Iva, c’est la bonne humeur et un frisson de joie qui bourdonne sur Gaïa! En totalité nous aurons parcouru 4200 milles soit 7600 km. Nos équipiers voient le bout, Valentine s’est même remise à tricoter son Bikini. 

Nous sommes vent arrière, vague dans le dos et voiles en ciseaux à l’avant. Gaïa surfe, vole, décolle ! Nous avons fait un surf à 15 nœuds, notre record de tout le voyage. Il fait beau, les vagues sont encore bien formées mais tendent à diminuer, le vent se stabilise autour de 18 nœuds. Le ciel se pare de petits nuages blanc cotonneux pour nous dire « Maeva, vous êtes sous les latitudes gouvernées par les Alizés, pays où il fait toujours beau et chaud. ». On écoute en boucle I can’t Wait de Cocoon, c’est devenu l’hymne officiel de la transpacifique, ça nous donne la pêche 🙂 

On n’a rien pêché depuis plus d’une semaine, mais en contre partie nous avons doublé Saileat et allons peut être doubler Esplorito! En tout cas nous ne sommes plus le bateau balais moqué par Karemo qui caracole toujours en tête avec ses 120m2 de voile déployées.

A bord nous nous creusons de plus ne plus la tête pour faire à manger. Une partie de nos œufs ont pourris, nous n’avons plus de fromage, de jambon, de yaourt et presque plus de citrons. C’est riz Gaïa souvent au menu : boîte de thon marinée dans le citron et l’huile d’olive avec un peu d’oignon mélangé au riz. Ou riz cantonné avec œufs et petits pois. Ou semoule boîte de sardine, ou riz ketchup…Les jours fastes c’est pizza, pâtes ou lasagnes végétariennes. 

La nouvelle lubie de Laszlo c’est d’être porté dans un sac carrefour accompagné de ses acolytes, Copain sauvé des eaux, Pingou, une peluche de Patagonie offerte par nos équipiers, et son poupon noir de Guadeloupe. On déambule dans le salon sac au bras comme si on revenait des courses pendant que lui se marre, enfouit au fond du cabas.  Il adore dessiner, enfin surtout qu’on dessine pour lui, et se met à hurler de joie dès qu’on crayonne un chat ou une étoile de mer, ses deux passions dans la vie après Copain et Tétine. 

Notre position à 17h utc à 10°37.500 S et 126°03 W, cap 260° vitesse 7-8 noeuds.

On vous embrasse fort ! 

(J+30 après le départ )

La baie des Vierges à Fatu Iva

Bonjour à tous ! 

Nous sommes arrivés au petit matin. Avec émotion nous avons longé l’île très montagneuse et très verte de Fatu Iva pour jeter l’ancre dans la Baie des Vierges. C’est majestueux, intimidant, d’une beauté primaire comme si l’île était sortie des eaux hier. 

C’est luxuriant, un vrai jardin d’Eden. Les arbres croulent de fruits, nous n’avons qu’à nous pencher pour les cueillir ou les ramasser. Sinon, ce sont les habitants eux-mêmes qui nous offrent des fruits de leurs jardins : citron jaune, pamplemousse, banane, mangue, menthe, romarin, grenade, clémentine… et partout des arbres et des fleurs. C’est très vert, très escarpé. De grandes figures phalliques encadrent la baie telles des statues anciennes. D’où le nom initial de Baie des Verges, renommé Vierge par les hommes d’églises 🙂 

Les Marquisiens sont adorables, très doux et très gentils avec nous.

Nous n’avons pas d’argent local et ici pas de distributeur ni de bureau de change. Nous faisons du troc pour avoir quelques trucs à manger. Donc pas possible d’acheter de carte pour avoir le wifi pour le moment… On va certainement rester 4 ou 5 jours ici avant d’aller sur une île un peu plus grande. (En fait on y est resté 15 jours )

On vous embrasse fort !