Voilà maintenant presque deux mois que nous avons touché le Cap Vert. Nous sommes arrivés dans les îles du sud, à Sal. Plus nous avancions vers l’ouest, plus le coup de cœur se vérifiait : on aime, on adore le Cap Vert ! Le rythme de vie, les gens, la simplicité des relations, la simplicité des plaisirs où un peu de musique et quelques poissons grillés vous rendent heureux. Oui, ces îles sont un petit paradis encore préservé et authentique.

Arrivés à Sal, l’île la plus touristique, après 7 jours de traversée nous étions contents de toucher enfin terre. Pour ceux qui comme moi ne situaient pas du tout le Cap Vert, sachez que ce n’est pas un pays d’Afrique mais une ancienne colonie Portugaise au large de Dakar. Ce n’est pas une île mais un chapelet de 10 gros cailloux arides peuplé d’un peu plus de 500 000 habitants. Pour moi le Cap Vert c’était le désert, la chaleur écrasante, l’ennuie, le manque d’eau et de nourriture. Je ne savais pas que j’allais être cueillie comme une pâquerette de printemps par cet endroit magique…

Nous avons atterrit dans le petit village de Praia de Palmeira à Sal. L’endroit n’est pas incroyable. La plage surplombée d’une raffinerie n’appelle pas à la farniente, mais une douceur de vivre nous saisie : on est bien dans les îles là ! Une douceur créole à l’africaine. A peine arrivés dans le mouillage, Jay, un gars du coin vient nous saluer sur sa barque en bois ” Salut les amis ! Je m’occupe des voiliers qui passent ici. Si vous avez besoin d’eau ou de quoi que ce soit, dites le moi”. On est content de ce premier contact avec les locaux, loin des récits de vols avec violence dont on entend régulièrement parler entre marins…

Les murs du village sont colorés et défraîchis, quelques cocotiers parviennent à vivre parmi les pavés, des femmes portes des seaux remplis de poissons, d’autres traînent assis à l’ombre des arbres, des enfants jouent dans la rue, des barques de pêcheurs animent de leurs va et vient le petit embarcadère. Il fait chaud, chaud et un peu humide. On est à quelques miles de l’Afrique et ça se ressent. Les locaux sont tous métissés, incroyablement beaux. Il n’est pas rare de croiser des filles ou garçons à la peau couleur café avec de grands yeux vert. Des sénégalais à la peau ébène sont là aussi. Ils quittent pour quelques mois leur pays pour se faire un peu d’argent avec le tourisme, car la monnaie locale est bien plus forte que celle du Sénégal.

Nous sommes allés sur presque toutes les îles de l’archipel, de Boavista, à Santiago puis Fogo pour le sud. Puis après 2 jours de navigation au prés pas très agréables, nous avons rejoins les îles du nord : Sao Vicente où se trouve le seul port de plaisance du pays, Mindelo, puis San Antao et Santa Luzia. Il me faudrait des pages et des pages pour raconter chacune des îles, j’ai choisi de vous raconter nos coups de cœurs : nos rencontres avec les locaux ainsi queTarrafal de Santiago et la rando à San Antao.

 

La vie créole de Tarrafal de Santiago

Karemo est à Tarrafal sur l’ile de Santiago ” C’est la paradis ici ! Il faut que vous veniez !”. On quitte Sal Rei à Boavista et sa baie bleu ciel pour rejoindre nos amis. J’en profite avant pour me faire fabriquer une robe en tissu Africain sur le modèle d’une de mes robes. Le résultat est pas mal, mais je me suis vraiment faite arnaquer sur le prix ! Je ne suis pas encore une locale mais bien un blanche en vacances qui est une proie naïve pour ces petites boutiques qui ne vivent que du tourisme. Et finalement des touristes, il n’y en a pas tant que ça. Alors les commerçants gonflent les prix pour vivre tant bien que mal. “Quand j’étais à Dakar, la mode changeait toutes les semaines ! J’avais énormément de travail. Ici il n’y a pas assez de monde, je perds un peu la main…” me raconte le couturier Sénégalais tout en cousant ma robe avec une veille machine à pédale.

Après une nuit de navigation, nous arrivons à Tarrafal de Santiago. Et dès que nous mettons les pieds à terre nous sentons que l’ambiance est différente. Le tourisme ici, ils s’en foutent un peu ! D’ailleurs nous voyons peu d’occidentaux sur la plage, et ceux qui sont là sont des voyageurs comme nous. Je découvre un monde de nomades que je connaissais pas, un monde parallèle fait de gens qui ne savent pas dire à quel pays ils appartiennent tant ils ont voyagé. Des gens originaux et simples qui ont décidé que leur vie ne pouvait se cloisonner entre quatre murs.

Comme David et Marion, catalan et française, qui sont sur les routes depuis des années, se déplaçant au grès des festivals de cirque ou des rencontres qu’ils font. Ils vivent sur la plage de Tarrafal depuis 3 semaines, cuisinant dans des marmites faites de boites de conserves et de pot en terre cuite sur un petit feu allumé à même le sol. Vous savez les gens que vous voyez au feu rouge faire du jonglage ? Et bien eux en font partie ! Ils se sont fait quelques sous comme ça en Europe pour continuer leur route. Un peu hippies sur les bord mais pas pour autant marginaux. Avant ils étaient en Hongrie, puis en Espagne et ils ont embarqué à bord d’un voilier jusqu’ici. Ils en prendront un autre pour rejoindre l’Amérique, leur prochaine aire de jeux. Là il se font un peu d’argent en allant cueillir dans les collines un fruit qu’il revendent aux fermiers pour nourrir leur vaches. Ils nous ont fait goûter une spécialité locale : le couscous ! C’est en fait une sorte de gâteau de farine aromatisé au chocolat et à la noix de coco cuit à l’étouffée sur une marmite d’eau bouillante. Un régal.

Il y a aussi Francesca, l’italienne, qui s’est marié à un Cap Verdien il y a quelques années. Elle a 3 magnifiques enfants métis qui passent leur temps dans l’eau à jouer avec les enfants d’ici. Avant ils vivaient à Tahiti, puis ont décidé de vivre au Mexique, et là ils reviennent quelques temps sur l’île pour voir les grand parents. Francesca est masseuse, elle a toujours trouvé facilement du travail même si elle reconnait qu’il y en a beaucoup moins ici…

Il y a une autre italienne sur la plage, Rosie, mariée elle aussi à un gars du coin. Elle vit en vendant des cocktails sur la plage dans sa petite guérite en bois. La meilleure caïpirinha de la ville c’est chez elle ! Elle passe son temps en maillot sur la plage, ses enfants toujours dans les parages.

Il y a aussi ce couple d’Allemands qui vivent sur un voilier dans la baie. Ils ont posé l’ancre il y a un an ici. On ne sait pas trop ce qu’ils font ici mais ils nous paraissent fuir quelque chose. Leurs filles, deux jeunes adolescentes aux cheveux blonds vivent avec les locaux, parlent portugais, un peu français et anglais. Elles étaient scolarisées sur l’île puis ont quitté l’école à leur grand regret. On ne sait pas pourquoi, mystère. Elles vivent avec tout ce petit monde sur la plage.

Cette plage où se mélange dans une belle gaieté ces nomades vivant à l’ombre des cocotiers, quelques touristes en vacances sur leur serviette de plage, de jeunes et beaux locaux qui font de la muscu à longueur de journée dans l’espoir de décrocher un ticket pour l’Europe avec une amourette, les pécheurs qui reviennent tous les midi avec leurs barques colorées, les femmes qui écaillent et découpent le poissons dans de grandes bassines à l’ombre des acacias, les enfants de toutes les couleurs qui courent en riant au milieu des chiens errants, des femmes qui déambulent avec nonchalance la tête couronnée de grandes bassines remplies de noix de coco pour qui voudra leur en acheter, et enfin ces pécheurs à la ligne, de l’eau jusqu’à la taille qui remontent un petit poisson toutes les 20 secondes avec une canne en bambou.

C’est ça la vie à Tarrafal. Une vie hors du monde, hors du temps, seulement rythmée par la pêche et le soleil et où toute le monde semble heureux.

C’est ici que nous laissons Julien et Teresa et que nous accueillons pour une semaine Anaïs et Merzin, nos copains d’Aix. On passe notre vie avec les filles sur le marché à acheter du tissu et se faire tailler des robes, des shorts et des hauts sur mesure par Myriam, une couturière. C’est notre moment shopping, on ne peut pas s’en empêcher 🙂

San Antao, ou la vallée des merveilles

Notre bande de copains habituelle nous a rejoins à Mindelo. Ils ont loué un catamaran pour une semaine, et la semaine suivante, la moitié d’entre eux restent ici pour randonnée sur San Antao. On dit que cette ils est verdoyante, pourtant depuis la mer nous n’avons vu qu’un cailloux pelé.

Nous avons mouillé sur cette ile à Tarrafal ( un autre ! ) ou Azevedo et Binga, des gars du coin nous on proposé d’organiser un barbecue sur la plage. Moments mémorables quand nous avons fait la tournée des “magasins” pour acheter de quoi préparer ce fameux dîner. Le magasin ici c’est les pécheurs du coin pour acheter le poisson et l’épicerie de la taille d’un salon pour les épices et le riz. Pour le reste, un cousin est allé cueillir des fruits et ramasser des patates douces dans son champs contre un verre de rhum local et un autre a trouvé du poulet et des homards.

Mythique ce barbecue au rythme d’un zouk love Cap Verdien craché par un improbable poste qui fait spot multicolore. Tout le monde rigole, mange tant bien que mal à la lueur de quelques frontales, d’autres dansent la kizamba. Binga nous montre la mise à l’eau de deux bébé tortues, lui qui s’occupe de leur protection sur cette plage. Le retour en annexe est épique : la moitié d’entre nous est éméchée, les vagues sont cassantes et les capitaines ont quitté le plage plus tôt avec les enfants. C’est moi qui doit ramener la joyeuse troupe sur les voilier et tracter l’annexe d’Equinoxe qui est crevée ! Mission réussit au prix d’un plusieurs chavirages, de retournements et de cris 🙂

Anaïs, mon ancienne coloc nous rejoins sur la route vers Santa Luzia. Plus on est de fou plus on rit !

Pour la deuxième semaine des copains, on décide avec Karemo de se couper en deux : les hommes gardent les enfants 2 jours le temps de randonner avec la bande et ensuite c’est leur tour. C’est comme ça que la fine équipe se constitue : Marine Karemo, Alexis, Francesca, Stéphanie, Anaïs et moi ! Pedro et Solveig sont de la partie mais en amoureux sous la tente.

On quitte en ferry Mindelo pour retourner sur l’île d’en face San Antao. Arrivé sur place, c’est la foire aux alugueres : tous les passagers trouveront une voiture pour les emmener à destination, mais il ne faut pas être pressé ! Tant que tous les sièges et recoins du minibus ne sont pas pourvu, on sillonne les rues à la recherche du passager manquant. On se retrouve embarqué dans un minibus à 17 direction le hameau de Pico da Cruz, au pied du cratère du volcan. La route est pavée, comme presque toutes les routes au Cap Vert. Je pense à ces esclaves qui les ont construites à l’époque de la colonisation portugaise. Je regarde chacun de ces petit pavés taillés et pense à eux. Eux qui ont été arraché de leur Afrique natale pour aménager à coup de pioche ces îles désertes et mourir dans l’indifférence.

La route nous emmène jusqu’à 1400m, là où pousse des forêts de pins. On a froid ! Pour la première fois depuis des mois on à l’impression de changer de saison, pourtant le petit couteau suisse high tech de Steph indique qu’il fait 23 degrés. Au détour d’un virage, c’est le choc visuel : on voit la vallée de Paul s’étendre jusqu’à la mer. Une coulée de verdure flamboyante qui dégringole des pentes raides. On comprend pourquoi ces îles se nomment Cap Vert! Pour le decouvrir Il faut dépasser les montagnes pour plonger au coeur des vallées. C’est là qu’on sera demain. On se fait déposer au hameau chez Manuela, une habitante donne le gite et couvert. On se retrouve tous les 6 dans un dortoir aux allures de maisons d’avant : lit simple en bois, armoire à glace, couvertures à fleurs surannées et rideaux bleu ciel. En bas les poules piailles et les poussins courent partout. On adore, on rigole comme des gosses en colo tout en se prêtant des habits pour mieux se couvrir. Il n’y a de l’électricité que 4h par jour dans le hameau, on est dans le noir ce qui rend le moment encore plus folklo.

Le lendemain, c’est l’émerveillement à chaque coup d’oeil. Le sentier nous fait passer par le cratère du volcan qui ressemble à une grande prairie. On descend au milieu des plantations en terrasse de cannes à sucre, de bananier et de caféiers. Les cannes à sucre sont en fleur, elles sont toutes surmontées de plumeaux blanc aériens qui scintillent au soleil. Au premier village, on ne peut s’empêcher de goûter au plat local, la catchupa, dans un petit resto avec vue. La catchupa c’est un plat à base de haricot accompagné de patate douce, de manioc ou de fruit d’arbre à pain. C’est costaud mais c’est bon ! La descente continue jusqu’au coucher du soleil, c’est à ce moment qu’on atteint Villa da Plomba, le village au bord de l’eau. On est fatigués, courbaturés mais encore éblouis par la beauté de la vallée de Paul.

Le lendemain, le groupe se coupe en deux pour faire chacun une rando de son côté et on se retrouve le soir à Punta do Sol. On finit la soirée avec des jeunes du coin, la guitare à la main à chanter des chants créoles et à boire de la Super Bock, la bière portugaise, sur la terrasse d’un petit bar-roulotte. Ils sont trentenaires pour la plupart, ils rigolent tout le temps illuminant leurs visages de belles dents blanches qui croquent la vie. Les yeux pétillent. On se sent bien, on vit un moment heureux plein de grâce.

Maintenant on est à Mindelo, au port. C’est la haute saison, le port est plein de gens qui partent traverser l’Atlantique. Dans cette ruche qui voit des bateaux arriver et partir tous les jours on se fait de nouveaux copains de ponton. Les enfants vont au parc en face tous les jours. Nos mousses Teresa et Julien font quotidiennement le tour de la Marina à la recherche d’un bateau partant vers le Brésil. Nous avons acceuilli nos nouveaux équipiers, Eléonore et Yann. On a du mal à réaliser mais nous aussi allons traverser l’océan dans quelques jours, laissant derrière nous les douces îles du Cap Vert, sa musique et leur habitants rieurs.